La com’ pour le passage aux 80 km/h a coûté 5 millions d’euros au gouvernement

A coup de spots, l’exécutif tente de combattre l’impopularité de la limitation de vitesse. Et la sienne…

Peut-être pas un « pognon de dingue », mais quelques millions d’euros tout de même. Cinq, très précisément, pour tenter de convaincre les Français des bienfaits des 80 kilomètres-heure. Malmené dans les sondages, le gouvernement mise, en effet, massivement sur la communication pour vendre la très impopulaire mesure de limitation de la vitesse, à l’heure de son entrée en application. Spots télé durant trois semaines, messages radiophoniques, présences sur les réseaux sociaux… Rien n’a été oublié.

Un quart du budget de la Sécurité routière

A lui seul, le spot actuellement diffusé à la télé autour des « 13 mètres » a coûté deux millions d’euros, une somme qui inclut sa conception par l’agence La Chose et les achats d’espace. Soit deux fois plus que le film « L’annonce » décrivant l’impact d’un accident de voiture sur les proches, réalisé en 2017 par Jean-Xavier de Lestrade et chiffré à 996 000 euros dans un rapport sénatorial.

A cela s’ajoutent le coût de diffusion des messages sur les autres supports et celui d’une première campagne publiée dans la presse en février. Au total, les 80 kilomètres-heure grignotent près du quart du budget de communication de la délégation à la Sécurité routière, une entité qui dépend du ministère de l’Intérieur. Et pèsent autant que le montant consacré en 2017 à alerter sur les dangers de l’alcool au volant.

Une mesure vécue comme « technocrate »

Cet effort sera-t-il suffisant pour inverser la tendance ? La mesure suscite une forte hostilité dans la population. Selon un sondage Odoxa pour l’Express-France Inter et la presse régionale, publié en début de semaine, près de trois Français sur quatre sont opposés à cette limitation, jugée comme « une mesure technocrate décidée par des gens qui ne comprennent pas le quotidien des Français » (1). Elle est particulièrement mal vécue dans les zones rurales (85 % des personnes interrogées s’y opposent).

Impression d’une décision prise par des Parisiens qui ne savent rien et ne veulent rien savoir de leurs difficultés, crainte d’une perte de temps, sentiment d’une décision uniforme sans tenir compte des différences d’entretien des 400 000 kilomètres de route concernés, peur de perdre son permis de conduire ou de devoir payer des amendes pour d’infimes dépassements : les raisons, les fantasmes aussi, ne manquent pas de critiquer la limitation de vitesse.

La popularité de l’exécutif dégringole

A contrario, les arguments mis en avant par le gouvernement pour la justifier - 300 à 400 morts en moins par an sur les routes, notamment - n’ont visiblement pas pris. Seuls 27 % des Français interrogés jugent que cela fera baisser le nombre de morts sur la route. Une très faible proportion qui a incité l’exécutif à axer l’intégralité de sa campagne de communication sur ce thème.

A plus long terme, le gouvernement veut croire que, comme lors de précédentes décisions fortes en matière de sécurité routière (ceintures obligatoires, radars, permis à points…), les résultats en matière d’accidentologie effaceront la défiance initiale. Emmanuel Macron a promis qu’il s’agissait d’une expérimentation et qu’un premier bilan serait tiré dans deux ans, avec l’espoir, sans doute, qu’à ce moment-là, le débat sera clos.


Très volontariste sur le sujet, Edouard Philippe l’a dit, dès le mois de janvier, lorsqu’il a dévoilé la mesure : il assumerait l’impopularité inévitable de cette limitation de vitesse. Le Premier ministre a bien fait de prendre les devants : selon Odoxa, sa cote de popularité a chuté de 8 points au mois de juin pour tomber à 40 % d’opinions favorables et celle d’Emmanuel Macron de 5 points (41 %). Principale explication : les 80 kilomètres-heure.(1) Enquête réalisée auprès de 1 007 personnes le 22 juin 2018.

Source : lexpress.fr