Chine. Une expo montre les données personnelles de 346 000 personnes avant d’être interdite

Une exposition artistique à Wuhan a dû prématurément fermer ses portes, sur injonction policière. En cause : 346 000 données individuelles achetées au marché noir, qui étaient au cœur de l’exposition.

Deux jours : c’est la durée qu’aura tenue la toute nouvelle exposition de Deng Yufeng, jeune artiste de 33 ans, inaugurée le 4 avril au musée d’Art de Wuhan, capitale de la province du Hubei (centre du pays). L’aventure a tourné court : deux jours seulement après le vernissage, cette exposition intitulée “Secrets” a été obligée de fermer ses portes au lieu de se poursuivre pendant un mois. Deng Yufeng fait désormais l’objet d’une enquête policière, rapporte le pure player de Pékin Haoqixin Ribao.

Deng Yufeng exposait 346 000 données personnelles achetées au marché noir, dressant autant de “portraits d’utilisateurs”, constitués de leurs nom et prénom, adresse, numéro de téléphone, informations bancaires, etc. Ces données étaient imprimées sur un papier traité par des produits chimiques, rendant l’écriture invisible, sauf dans l’ombre, afin que les visiteurs ne découvrent les données personnelles que dans ce contexte. Avec l’aide de six bénévoles, une invitation à plus de 300 000 habitants de Wuhan à venir découvrir leurs propres “secrets” personnels leur avait été envoyée par SMS.

Le prix des données individuelles : 1 centime

“Où est l’éthique dans la relation entre le citoyen et le big data, à l’ère de la numérisation ? s’interroge Deng Yufeng, selon le journaliste du Chutian Dushibao, journal local de Wuhan. Cette exposition a pour objectif d’attirer l’attention de chacun sur les fuites d’informations”, ajoute-t-il. Interrogé par le même journal sur “le prix des données privées d’une personne”, l’artiste a répondu : “au minimum 1 centime de yuan (1 yuan = 0,13 euros)”.

“Au fond, qui, quel organisme possède ces masses de données privées ? Si un artiste peut les acheter facilement, cela veut dire que le marché noir est incroyablement développé à Wuhan, non ? se demande de son côté Ling Huqing, chroniqueur du portail d’informations Sohu.com. Si son exposition a permis à la police de découvrir ce marché noir des données privées et de prendre des mesures pour les combattre, même si la responsabilité pénale de Deng Yufeng est engagée, du point de vue artistique, c’est aussi l’effet recherché par Deng”, poursuit le chroniqueur.

En 2016, Deng Yufeng avait mené un programme artistique intitulé “Opération de sauvetage” avec succès. Pendant plusieurs mois, l’artiste s’était présenté comme un acheteur d’enfants ou de faux billets – en coopération avec la police.

Source : courrierinternational.com