Découverte des trésors d’une civilisation précolombienne inconnue

Les tombes récemment mises au jour de chefs guerriers au Panama renfermaient des artefacts en or, des joyaux et de précieux indices sur une civilisation disparue.

« C’est une découverte spectaculaire, probablement la plus importante depuis les années 1930 » sur cette civilisation perdue. Dans les années 1930, de nombreux artefacts d’or avaient en effet été découverts près du site de Sitio Conte, dans le centre du Panama, comme nous l’explique l’anthropologiste John Hoopes.

Jusqu’à présent, le site du Sitio Conte était le seul à avoir fourni la preuve de l’existence d’une civilisation de « guerriers dorés », qui auraient vécu au Panama de 250 avant Jésus-Christ au 16e siècle et l’arrivée des colons espagnols.

Datés de 700 avant Jésus-Christ à l’an 1000, ces nouveaux artefacts ont été excavés à environ trois kilomètres de Sitio Conto, sur le site d’El Caño.

UNE SECONDE DÉCOUVERTE EN OR

El Caño est un vaste champ de monolithes et de sculptures qui attire les chercheurs d’or depuis le début du 20e siècle. Mais fort heureusement, les aventuriers de l’or n’avaient jusqu’à présent trouvé que des tombes de gens du commun ne contenant aucun artefact précieux.

Il y a quelques années, après avoir travaillé sur le site Sitio Conte, lui aussi ponctué d’anciens monolithes, l’archéologue Julia Mayo de l’Institut de recherche Smithsonian Tropical décida de recommencer les fouilles sur le site d’El Caño. Les fouilles ont commencé en 2005 autour de plusieurs tombes dans un rayon d’environ 80 mètres.

Peu après les premiers coups de pioches, les archéologues ont découvert un squelette d’un chef de haut rang, vêtu d’une cuirasse bombée ornée de têtes de moutons, des manchettes en or et une large ceinture, en or elle aussi.

PIERRES, OS ET OR

Les fouilles les plus récentes datent de 2011. Elles ont permis la mise au jour de la tombe à plusieurs niveaux d’un chef de rang similaire surmontée d’un toit en bois. Entouré de 25 corps, ce chef tout d’or vêtu avait le tombeau le plus large découvert à ce jour sur le site d’El Caño. Parmi les défunts, l’équipe de Julia Mayo a retrouvé le corps d’un enfant, probablement le fils du chef mis en terre, lui aussi couvert d’or, de bracelets, de boucles d’oreille et de colliers faits d’or et de pierres semi-précieuses.

Au fond de la fosse, la tombe du chef était soutenue par une sorte de plateforme constituée de 15 corps.

Julia Mayo pense que ces individus étaient certainement des prisonniers de guerre ou des esclaves qui ont été sacrifiés ou se sont suicidés - un point commun avec le site de Sitio Conte, où des rites funéraire similaires ont été observés.

TUÉS PAR DES POISSONS-GLOBES ?

Les chercheurs ont aussi découvert la manière dont les sacrifiés auraient trouvé la mort. Les résultats des analyses médico-légal n’ont cependant pas été communiqués.

« Des arrêtes de poissons-globes, Guentheridia formosa, ont été trouvées près des corps. C’est un poisson particulièrement dangereux, » explique Julia Mayo.

Autre détail curieux, les corps entourant le chef étaient couverts de morceaux de céramique. Bien que la signification mortuaire ne soit pas claire, Mayo pense que ces artefacts ont été spécialement fabriqués pour couvrir les corps.

Hoopes, de l’université du Kensas, avait trouvé des artefacts en céramique similaires sur le site Sitio Conte.

« Ils utilisaient probablement les plats servant au festin précédant leur mort, qui étaient ensuite disposés sur eux dans leur dernière demeure » avance Hoopes, qui ne faisait pas partie de l’équipe de recherche d’El Caño.

« Ce qui reste à déterminer, c’est si les céramiques ont été volontairement cassées ou si elles ont été placées intactes au moment de l’inhumation et se sont cassées avec le temps et les mouvements sismiques. »

VAMPIRES, LOUPS-GAROUS ET MASCOTTES

Autre mystère planant sur cette civilisation perdue : des créatures à moitié humaines sont représentées sur les bijoux et armures en or excavés à El Caño.

« Nous travaillons encore à l’analyse iconographique, » explique Julia Mayo. « Selon certains experts, ces dessins peuvent représenter des ancêtres ou d’anciens membres du groupe. »

Pour Hoopes, « ils sont analogues aux loups-garous et aux vampires de la culture occidentale, aux mythes dans lesquels existent des créatures se transformant partiellement ou totalement en animaux. »

La pratique de représenter le défunt avec un animal totem était très répandue dans les cultures pré-colombiennes.

QUI ÉTAIENT-ILS ?

Julia Mayo espère que la découverte de ces artefacts, parmi lesquels des haches, des lances et des ceintures faites de dents de baleines et de dents de jaguars, pourront apporter un nouvel éclairage à l’histoire de ces chefs dorés et leur peuple.

Cette civilisation a en effet laissé peu de traces historiques, du moins à notre connaissance.

« Une partie du problème est lié aux ravages qu’ont fait les colons espagnols dans la région. On sait peu de choses sur cette civilisation. On ne sait même pas quelle langue ils parlaient. » continue Hoopes.

D’après lui, les sites de Sitio Conte et d’El Caño étaient les terres d’un peuple sédentaire qui s’est étendu dans le centre du Panama. Mais des artefacts comme les émeraudes pré-colombiennes trouvées à El Caño suggèrent que cette civilisation avait des contacts extérieurs avec d’autres peuples.

L’or est de fait la trace la plus résistante de leur existence. De nombreux autres artefacts sont certainement confinés dans les 20 tombes encore non-explorées d’El Caño.

Source : nationalgeographic.fr