Une fillette de onze ans considérée «consentante» après une relation sexuelle avec un adulte

Le procès qui devait se tenir mardi à Pontoise est renvoyé au 13 février. La famille de la victime veut voir les faits requalifiés en «viol», alors que la justice n’a reconnu qu’une «atteinte sexuelle».

 

Un homme de 28 ans sera jugé en février à Pontoise pour avoir eu une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans. Des faits qualifiés d’«atteinte sexuelle», que la famille veut voir requalifiés en «viol». Le procès de cette affaire, révélée par Médiapart, et qui devait à l’origine se tenir ce mardi devant le tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d’Oise), a été renvoyé au 13 février, le temps d’examiner une question de procédure soulevée par la défense.

Les faits se sont produits le 24 avril à Montmagny, dans le Val-d’Oise. Ce jour-là, Sarah, une enfant de 11 ans, a suivi un homme, qui l’avait déjà abordée à deux reprises, jusqu’à son appartement où ils ont eu une relation sexuelle. Les enquêteurs ont considéré que cette relation était consentie car aucune contrainte physique n’a été exercée sur la mineure. La famille de la fillette conteste la qualification d’«atteinte sexuelle», expliquant que la fillette n’était «pas consentante» et que la relation subie correspond pénalement au viol puisqu’il y a eu pénétration. La mère de Sarah a décrit une enfant tétanisée, incapable de se défendre.

«Subir, ce n’est pas consentir»

Placé depuis mai sous contrôle judiciaire, le prévenu, par ailleurs père de deux enfants, est donc renvoyé pour «atteinte sexuelle sur une mineure de moins de quinze ans» car le parquet de Pontoise a estimé «que dans le cas d’espèce, il n’y avait eu ni violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise», selon une source proche du dossier. Au contraire, pour Me Carine Diebolt, l’avocate de la plaignante, «dans ce dossier on peut retenir l’absence de consentement» et tous les critères qui fondent l’agression sexuelle, sinon le viol: «la contrainte morale» -résultant de la différence d’âge-, «l’effet de surprise», «la violence» -«il s’est montré agressif dans l’ascenseur»- et même «la menace» -«il a menacé de ruiner sa réputation dans la cité si elle parlait»-.

Cité par Mediapart, Me Diebolt, spécialiste de ces questions, fait l’analyse suivante: «Beaucoup de magistrats n’ont pas été formés à ces questions et ne connaissent pas les mécanismes du cerveau lors d’un viol. La sidération et la dissociation conduisent à l’anesthésie. On ne ressent plus sa peur, comme l’a analysé la psychiatre Muriel Salmona. C’est d’autant plus vrai pour un enfant. Dans les films, on se débat. Mais dans la vie réelle, on est souvent tétanisé. Comme le disait Gisèle Halimi, “subir, ce n’est pas consentir”. Et l’agresseur n’a pas pu se méprendre sur le rejet et la détresse de Sarah».

Une exception française

De fait, le ministère public s’est fondé sur l’article 227-25 du code pénal, qui stipule que «le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur un mineur de 15 ans est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende». Il n’existe dans le Code pénal aucune atténuation à ce principe lorsque la victime est un enfant. Depuis 2005, la Cour de cassation considère cependant que la contrainte est présumée pour les enfants en «très bas âge». L’âge de la majorité sexuelle est fixé à 15 ans en France, en référence à l’âge de la puberté. En-dessous de cette limite, toute relation sexuelle avec un majeur équivaut à une «atteinte sexuelle», même si le mineur est consentant. Quant au viol, il se caractérise par la violence, la contrainte ou la surprise - donc l’absence de consentement - et est passible, quand la victime est mineure, de 20 ans de réclusion criminelle.

Une spécificité du droit français qui fait bondir les associations féministes et de protection des victimes. «La question du consentement ou de son absence ne devrait jamais se poser pour les mineur(e)s victimes de viol», a abondé l’association La Voix de l’Enfant dans un communiqué. Comme il l’avait déjà fait dans un avis publié en octobre 2016, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a une nouvelle fois réclamé qu’un seuil soit fixé par la loi - par exemple l’âge de 13 ans - en dessous duquel on ne puisse présumer que le mineur a consenti à l’acte sexuel. Ce qui d’ailleurs existe dans nombre de pays voisins. Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, estime que ce seuil devrait être porté à quinze ans. En Angleterre et en Suisse, par exemple, la loi fixe à 16 ans la «présomption irréfragable d’absence de consentement du mineur victime d’actes sexuels». Ce qui veut dire qu’en dessous de cet âge, la justice estime qu’il ne peut y avoir de consentement. C’est donc la qualification de viol qui est automatiquement retenue.

Source : Le figaro